Comment les couleurs influencent la perception d’une marque ?

Comment les couleurs influencent la perception d’une marque ?

Depuis que je suis enfant, une couleur m’accompagne comme un talisman : le vert. Pas celui qui fatigue les yeux, ni le vert sombre d’un uniforme écossais. Mais ce vert lumineux, celui qui semble sourire à la vie. Chaque fois que je le porte ou que je l’aperçois, mon humeur s’allège. Pour moi, le vert a toujours été synonyme de bonheur, de gaieté, presque de chance.

Pourtant, dans l’univers de la communication, le vert raconte une autre histoire. Ici, il est associé à la stabilité, l’équilibre, la nature, parfois même à l’écologie. Là où je voyais une promesse de joie, les codes marketing parlaient plutôt d’engagement.

Alors une question se pose : lorsque nous construisons l’identité visuelle d’une marque, doit-on choisir une couleur pour ce qu’elle représente à nos yeux… ou pour ce qu’elle fera ressentir aux autres ? Et si, finalement, la couleur n’était pas un détail esthétique, mais la première stratégie d’une marque ?

La couleur, un langage universel:

Chaque couleur déclenche une émotion. Le rouge réveille la colère, le jaune provoque un sourire, le bleu ciel apaise, le bleu foncé impose le sérieux. Le rose rassure, le violet intrigue.

Mais ces perceptions varient. Certains voient la passion dans le rouge, d’autres y ressentent de l’agressivité. Le bleu profond inspire la confiance à l’un, et paraît froid à un autre. C’est ce qui rend les couleurs fascinantes : elles touchent chacun de manière intime, presque instinctive.

Ce n’est pas qu’une impression. Des recherches récentes montrent que la couleur influence entre 62 % et 90 % des décisions d’achat (Thorstensson, 2024). Autrement dit : avant même que nous ayons le temps de réfléchir, notre cerveau a déjà réagi.

Les neurosciences l’expliquent : voir une couleur ou une composition harmonieuse active des zones comme l’amygdale (émotions) et le cortex orbitofrontal (récompense) (Ikeda et al., 2015 ; Neurol. Int., 2024). Les couleurs ne s’adressent donc pas seulement à l’œil : elles parlent directement à notre mémoire émotionnelle.

Peut-être est-ce pour cela que choisir une couleur pour une marque ressemble à une métamorphose. Comme une chenille qui devient papillon, la bonne nuance nous permet de prendre notre envol avec une identité visuelle qui dépasse l’esthétique.

Quand la couleur façonne une identité:

Si les couleurs nous touchent individuellement, elles façonnent aussi notre mémoire collective. Certaines finissent même par devenir indissociables d’une marque.

Une couleur, c’est comme un parfum. La première fois qu’on la croise, elle intrigue, elle marque. Puis elle s’imprime dans notre mémoire : on se souvient où on l’a vue, dans quel contexte, et même de ce qu’on a ressenti. Comme une madeleine de Proust, elle réveille une émotion.

Certaines marques l’ont compris. Le « Tiffany Blue » est devenu une icône culturelle : une nuance unique, impossible à confondre. Starbucks a bâti son univers autour d’un vert rassurant, synonyme de détente. Coca-Cola a fait du rouge une fête universelle. Quant à Apple, son blanc épuré traduit l’innovation et la simplicité.

Changer de couleur, en revanche, n’est jamais anodin. C’est comme une rupture amoureuse : on file chez le coiffeur pour clore un chapitre. Les cheveux gardent une mémoire, et les couper symbolise un nouveau départ. Une marque qui change de palette fait exactement cela : elle annonce une nouvelle ère, sans repartir de zéro.

Mais attention : une couleur seule ne raconte pas toute l’histoire. C’est dans l’association qu’elle prend sa véritable puissance. Comme le yin et le yang, comme deux personnages dans un roman. Ensemble, les couleurs se complètent, se révèlent, et écrivent un récit que l’une seule ne pourrait porter.

Le piège des couleurs: 

Ce pouvoir immense peut aussi se retourner contre une marque.

L’erreur la plus courante ? Trop de couleurs, sans hiérarchie. Rien ne domine, tout se mélange. Or, une palette réussie fonctionne comme une équipe : il y a une couleur principale, et une ou deux secondaires qui la soutiennent. Pas plus.

Autre erreur : une palette mal choisie. C’est comme enfiler une tenue sans conviction. On la porte pour la journée, mais on ne s’y sent pas bien. Sauf qu’une identité visuelle ne dure pas un jour… elle accompagne la marque sur des années. Et si elle ne colle pas, cela finit toujours par se voir.

Un exemple marquant : Tropicana en 2009. La marque a changé radicalement son packaging. Résultat ? Les consommateurs n’ont pas reconnu leur jus d’orange. En deux mois, les ventes ont chuté de 20 %.

Changer trop souvent de couleurs peut aussi nuire.

 
Cela révèle une indécision, comme si l’entreprise se cherchait encore. Une marque est le reflet des personnes qui la dirigent : si elles hésitent, cela se ressent. Et à force, la crédibilité s’effrite.

Une couleur est une promesse. Et une promesse qui change trop souvent perd sa valeur.

Trouver sa palette signature:

Alors comment éviter ces pièges ? En créant une palette signature : personnelle, cohérente et stratégique.

Pour cela, je pose toujours trois questions simples :

- Qui êtes-vous ?

- Que voulez-vous faire ressentir à vos clients ?

- Qu’est-ce qui vous a donné envie de monter votre société ?

Ces réponses guident le choix. Car une palette n’est pas une tendance Pinterest. C’est un choix intime. La méthode ? Commencez par la couleur qui vous colle à la peau, celle qui vous fait vous sentir bien. Puis trouvez le duo parfait : la complémentaire qui équilibre et révèle.

La différence est là : une couleur personnelle parle de vous, mais une couleur stratégique parle pour vous. Elle ne reflète pas seulement ce que vous êtes, mais ce que vous voulez transmettre. Comme un commercial envoyé en mission, elle incarne votre boîte, même quand vous n’êtes pas là pour la présenter.

Les recherches le confirment : une étude de White Rose (Yu et al., 2018) montre que le lien entre couleur préférée et produit choisi dépasse largement le hasard. Les couleurs influencent nos comportements plus qu’on ne le croit.

La plus grande erreur serait de céder à la mode. Une palette impersonnelle, vue mille fois, attire des clients “par défaut”. Or, nous attirons toujours ceux qui nous ressemblent. Comme les psys, qui, dit-on, finissent toujours par avoir les patients qu’ils méritent.

Finalement, la couleur n’est pas un détail esthétique. Elle est identitaire, presque existentielle. Elle raconte l’histoire d’une marque, et parfois, elle écrit son avenir.

Les couleurs ne sont jamais neutres. Elles éveillent des émotions, sculptent des souvenirs, installent une identité. Elles séduisent avant même qu’un mot ne soit prononcé.

Choisir une couleur pour sa marque, c’est donc faire un choix stratégique. Une couleur est une promesse, un fil invisible qui relie l’entreprise à ceux qui la découvrent, la regardent, la choisissent.

Comme mon vert d’enfance, chacun peut trouver son talisman visuel. La nuance qui devient boussole, qui inspire confiance, et qui guide le regard des autres.

Alors souvenez-vous : la couleur que vous choisirez sera votre voix silencieuse. Elle ne dira pas seulement qui vous êtes, mais ce que vous aspirez à transmettre au monde.

Et vous, quelle couleur raconte déjà votre histoire ? Quelle nuance pourrait devenir le talisman de votre marque ?

Retour au blog